Panneau principal: La Furgge

"Je ne reverrai plus jamais la Furgge", avait dit Christen là-haut, puis il était parti, avait pris Bänz par la main et avait fait signe avec le bâton sur lequel étaient gravés leurs noms et ceux de leurs enfants. Andres l'avait suivi, lui aussi muni d'un bâton et d'un sac. (…) Dieu merci, ils étaient déjà au-delà de la frontière. Les catholiques ne leur feraient pas de mal. Seule, Madieni retourna dans le pays bernois, pays que, la veille, Ueli Still lui avait conseillé de quitter.

Katharina Zimmermann

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La Furgge est un roman sur la persécution des anabaptistes en Suisse au début du 18e siècle, basé sur des recherches d’archives et historiques sur l'Emmental et les gens qui y vivaient, comme Madleni Schilt et Christen Hirschi. L'histoire se déroule dans un cadre contemporain et est racontée par une musicienne qui découvre l'histoire de Madleni et Christen lors d'un séjour à Kemmeriboden. L'ombre de la montagne locale - la Furgge - aujourd'hui appelée Hohgant, est une cachette pour les persécutés et un symbole de patrie. [1]

Christen, le mari de Madleni, doit s'enfuir et emmène les garçons avec lui ; elle reste à la ferme avec les filles :

Je ne reverrai plus jamais la Furgge", avait dit Christen là-haut, puis il était parti, avait pris Bänz par la main et avait fait signe avec le bâton sur lequel étaient gravés leurs noms et ceux de leurs enfants. Andres l'avait suivi, lui aussi muni d'un bâton et d'un sac. (…) Dieu merci, ils étaient déjà au-delà de la frontière. Les catholiques ne leur feraient pas de mal. Seule, Madieni retourna dans le pays bernois, pays que, la veille, Ueli Still lui avait conseillé de quitter.

C'est ici, sur le poêle, qu'ils s'étaient assis, Christen et elle. Madleni avait pelé des pommes, celles, sucrées, de leur pommier, les avait coupées en deux jusqu'à ce que la nuit tombante ne lui laissa presque plus rien voir. Les enfants étaient depuis longtemps montés dans leur chambre par la trappe du plafond. Christen et elle étaient restés assis, discutant du regain, de l'orge et de l'épeautre qui avaient pu mûrir pleinement en ce bel automne, et d'eux-mêmes, aussi, de la façon dont ils avaient réussi à vivre ensemble, en harmonie, depuis que Christen avait rejoint les anabaptistes. Christen avait dit qu'il se levait différemment le matin depuis qu'il pensait combien Dieu aimait les gens. Comme il n'était plus membre du consistoire et qu'il ne devait plus punir les paroissiens, il aura pitié à l’avenir de tous ceux qui déviaient du droit chemin (…)

C’est alors qu’on frappa à la porte. (…)

Ueli Still, membre du consistoire de Schangau, se tenait à la porte. (...) Après que Christen eut apporté une lampe et versé du schnaps de genièvre et qu'Ueli se fut rincé la bouche d’une bonne rasade et se fut éclairci la gorge, il parla. Madleni se souvient de chaque mot.

Il apportait de mauvaises nouvelles, a dit Ueli, ne sachant pas à ce moment-là que cela le toucherait bientôt lui-même. Quelqu'un avait vu Christen se rendre à la réunion du samedi soir et l'avait signalé au seigneur.

Quel Seigneur ? Je ne connais qu'un seul Seigneur, Jésus, à qui je veux obéir et personne d'autre, avait rétorqué Christen de façon véhémente.

Bien, alors il l'a dit au pasteur, et parce que ces bons seigneurs…

Ne me parle pas de bonté, ils ne sont pas bienveillants du tout, et s'ils veulent que je leur prête serment, je ne le ferai pas.

Christen, je n'ai pas fait tout ce chemin jusqu'au fond de la vallée, et cela de nuit, pour me disputer avec toi. Je suis venu parce que c'est minuit moins une. Il y a deux vilains types dans les environs, et ils ont pour mission d'attraper les anabaptistes locaux. Au presbytère, ils ont demandé la liste. Christen, tu es en tête de liste.

Ben, alors je reste ici. Personne n'oserait venir m'arrêter sur mon propre terrain ? (…)

Christen, je suis venu te dire : Pars ! Pars dès que possible, cette nuit même. Prends Madleni avec toi, et laisse les enfants ici. On va pouvoir s’en occuper.[2]


[1] Selon le texte de la quatrième de couverture de l'édition anglaise, traduit par Ruth Schwertfeger.
[2] Furgge, édition allemand p.167-168.